"Moi-même, en mieux, n'importe où."
C'est un sujet auquel je suis particulièrement attaché puisqu'il fait partie de mes règles du jeu en formation. Créer sa propre expérience individuelle, qu'est-ce que cela veut dire? Pourquoi en tant que manager, je dois faire appel au mode adaptatif de mon cerveau et solliciter celui de mes collaborateurs? Je parle d'expérience individuelle lorsqu'une personne se met en posture de devenir "un meilleur soi".
Tout d'abord, il convient de la différencier de l'expérience professionnelle qui est l'acquisition de compétences en lien avec le poste précédent ou actuel. Purement technique, l'expérience professionnelle est celle que nous mettons sur notre CV. L'expérience individuelle est celle que nous incarnons et donc que nous véhiculons. L'avantage de la deuxième est qu'elle est transférable partout. Quand nous changeons d'équipe, d'entreprise, nous l'emportons avec nous.
Le savoir-faire est évidemment aussi transférable puisque il y a ce que nous appelons l'expérience minimale requise pour un poste. Mais qu'en est-il vraiment lorsque nous changeons d'entreprise? Lorsqu'un manager retail va dans une entreprise concurrente pour un poste équivalent, à combien pouvons-nous évaluer la ressemblance entre ces deux postes? Les équipes, les interlocuteurs transverses, un ou des nouveaux chefs, l'ambiance et la culture de l'entreprise, sa stratégie, les produits, le cérémonial de vente, la clientèle, les rituels managériaux et bien d'autres choses peuvent changer.
Également, qu'en-est il lorsque nous sommes promu? Qu'emportons-nous qui nous sera utile pour ce nouveau poste avec ses nouvelles missions?
La seule chose identique à 100% entre ces deux postes, c'est nous-même.
Alors comment devenir un meilleur soi lorsque nous ne parlons pas de compétences professionnelles? Pour quel but?
Guetter la démotivation, la routine et faire face à l'imprévu.
Être manager, c'est entre autre, accompagner le rythme quotidien de son équipe et de ses collaborateurs. L'ennemi du quotidien sur le long terme devient la routine. Tomber en zone de routine, c'est entrer d'abord dans un stress de sous-pression, qui amène peu de choses positives. Routine n'étant pas la même chose que l'ennui. Nous pouvons avoir un travail très rythmé mais routinier. La routine n'amène que peu de développement, nos collaborateurs et nous-même pouvant tomber dans un stade un peu plus anxieux si la routine s'installe longuement. Il faut anticiper cette situation.
Adopter la bonne posture pour éviter cela et cela passe par une question essentielle: " Et si je devais faire autrement?". Cette question est valable pour nos collaborateurs, "Et si vous deviez le faire autrement?".
Cette posture permet de réinventer le quotidien régulièrement, elle nous invite à changer de place et place notre travail dans un angle de vue différent. En tant manager, voir notre environnement de travail comme un environnement mouvant, le rendre mouvant à nos collaborateurs, c'est repousser les limites de la motivation.
Par exemple, faire un brief tous les matins à son équipe peut vite devenir routinier et il devient important de se poser la question: "Qu'est-ce que cette semaine je peux y mettre ou y faire de différent par rapport à la semaine passée?". En tant que manager, cela nous met dans un certain dynamisme intellectuel et l'attention de nos collaborateurs sera renouvelée.
Autre exemple est celui des rituels d'entretiens individuels mensuels que nous avons avec nos collaborateurs. Les rendre utiles et impactant sur la durée, c'est se poser des questions chaque mois "Qu'est-ce que je peux faire de différent ce mois-ci?", "Et si je faisais des entretiens complètement différents ce mois-ci, comment les ferais-je?", "Et si c'était au tour de mes collaborateurs de conduire l'entretien?", etc.
"Et si je devais le faire autrement?" nous permet de cultiver au maximum notre adaptabilité qui permet de répondre au mieux aux imprévus:
- lorsqu'un imprévu se présentera, notre mode adaptatif aura déjà été éduqué et notre équipe et nous ferons face plus facilement à une nouvelle donne de la situation,
- lorsqu'un imprévu se présentera, nous aurons déjà potentiellement travaillé cette nouvelle donne et notre adaptation sera naturelle.
Le maître mot ici est souplesse, cette aptitude requise face aux changements. L'apprendre, la faire apprendre, la travailler et la faire travailler, passe par se former et s'entraîner régulièrement.
Vaincre le syndrome de la becquée.
Lorsque nous sommes manager, nous pouvons parfois entendre un de nos collaborateur dire, "Je ne suis pas le manager, ce n'est pas à moi à réfléchir à ça". Ne pas être manager, n'empêche personne de réfléchir. Également pour les managers, ne pas être de la direction, ne nous empêche pas de réfléchir à des solutions qui sont stratégiquement au-dessus de notre fonction mais qui pourtant auraient des répercussions sur notre travail.
Être dans le syndrome de la becquée, c'est rejeter tout début de cheminement de réflexion: parfois parce que cela sort un peu du cadre de nos missions (et alors?), parfois parce que cela semble compliqué (moins nous y réfléchissons et plus cela devient compliqué) ou alors parfois parce que cela engendrerait du changement et le changement fait parfois peur ( donc moins nous intervenons dans la réflexion et plus nous laissons à d'autres le soin de cheminer des solutions pour nous, ce qui est encore plus anxiogène).
Reprendre la main nous rend acteur et contribue toujours à développer notre dynamisme intellectuel.
Avoir une équipe qui adopte facilement une attitude de becquée est une situation qui devient vite coûteuse en temps pour un manager. Inviter ses collaborateurs à cheminer leurs solutions les rend auto-suffisant de nous. "Et si tu étais à ma place de manager, qu'est-ce que tu mettrais en place?", "C'est la première fois que cette situation se présente à toi, et si je n'étais pas là, comment aurais-tu envie de t'y prendre?".
Nous pouvons aussi solliciter nos collaborateurs sur des sujets très stratégiques qui ne leur incombent pas tout du tout: mettre des employés en position de réflexion sur des sujets de la direction, c'est ça aussi favoriser l'expérience personnelle. Les faire réfléchir comme "un échelon au-dessus", c'est les rendre acteur, partie-prenante de leur travail et si un jour l'un d'eux doit évoluer, il aura déjà appris à réfléchir comme "un échelon au-dessus".
Les maîtres mots ici sont réflexion et curiosité, au service de notre développement et du développement de nos collaborateurs. Ces aptitudes nous mettent et mettent notre équipe en constante évolution et nous permettent d'augmenter la maîtrise de notre environnement.
Ces deux postures d'expérience personnelle sont au service d'un management durable qui replace les individus à leur niveau d'adulte. Mais pas seulement. La plus-value n'est pas uniquement tournée vers soi ou son équipe, elle est solaire puisque faire vivre ces deux notions d'expérience personnelle permet de renforcer son image envers nos interlocuteurs externes comme par exemple accessoirement nos clients. Apprendre à nos managers à guetter la démotivation de leurs collaborateurs, repousser la routine, être réactifs face aux imprévus et indépendants dans leurs recherches de solutions nous donnera les meilleures chances d'un service client meilleur.
Faire évoluer son management sur ces sujets-là nécessite de se faire accompagner pour pouvoir préparer, s'entraîner et s'auto-évaluer à l'aide d'un regard neutre.
Travailler sur l'expérience personnelle est ma posture de prédilection lorsque je dispense mes formations ce qui permet:
- de rendre acteur chaque manager puisque ça engage de vraies réflexions,
- d'individualiser le travail de la formation,
- d'ancrer la formation au maximum afin d'adopter de nouveaux réflexes au quotidien.
Part. 2. A suivre...
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